Détacher du personnel en Belgique en tant que société étrangère?
Un employeur étranger souhaite envoyer pour deux mois un travailleur en Belgique pour suivre une formation? Un mécanicien s’y rend pour réparer une machine? Que devez-vous prendre en considération en tant qu’employeur si un dispatcher, un comptable ou même un chauffeur est envoyé en Belgique pour quelques jours ou quelques semaines?
Via cette note d’information, nous souhaitons vous présenter un aperçu succinct des obligations et formalités applicables en cas de détachement de travailleurs étrangers pour une courte période en Belgique par une société étrangère. Puisque la notion de détachement diffère en fonction des contextes, nous faisons clairement la différence selon la matière.
Droit du travail
Par détachement on entend la situation d’un travailleur effectuant temporairement des prestations de travail en Belgique et qui:
Soit travaille habituellement sur le territoire d’un ou plusieurs pays autres que la Belgique;
Soit est embauché dans un autre pays que la Belgique.
Il ne s’agit pas de détachement si le travailleur est embauché pour travailler en Belgique!
Maintien du contrat de travail existant
Le contrat de travail existant entre le travailleur et l’employeur dans le pays d’origine, est maintenu. Aucun contrat de travail n’est conclu avec l’entreprise dans le pays d’accueil.
Il est recommandé (certains pays l’obligent) de conclure une convention avec le travailleur, durant la période de détachement, concernant les conditions salariales et de travail applicables. Le travailleur reste sous le contrôle et l’autorité de l’employeur du pays d’origine. L’employeur dans le pays d’origine reste dans l’obligation de continuer à payer le salaire du collaborateur.
Droit du travail en vigueur
Choix
Le principe est que les parties ont le droit de convenir quel droit du travail sera d ‘application lors de leur relation de travail. En toute logique, elles choisiront le maintien du droit d’application dans le pays d’origine. La possibilité de choisir un régime juridique est limitée par le fait que le travailleur ne peut pas perdre la protection dont il bénéficie en vertu du droit du travail du pays de l’occupation habituelle.
Cette législation est en principe également d’application pour les activités du secteur du transport par route ressortissant aux CP 119, 124, 127, 140 et 317, en cas de cabotage en Belgique ou dans le cadre d’un transport international.
Dispositions contraignantes du pays d’accueil
Durant l’occupation temporaire dans un autre pays que celui de l’occupation habituelle, les dispositions contraignantes du pays d’accueil doivent être respectées.
Détachements de moins de 12 mois
Tant que le détachement est inférieur à 12 mois, l’employeur doit respecter toutes les conditions salariales et de travail découlant des dispositions pénalement sanctionnées et des conventions collectives rendues obligatoires exception faite pour les régimes de pension complémentaire relatives :
au travail maximum et aux périodes minimales de repos;
au nombre minimum de jours de congés payés;
aux salaires minimums, y compris les indemnités pour le surplus de travail. Ce point ne s’applique pas sur le régime des pensions complémentaires. Afin de déterminer ce que la notion de “salaires minimums” comprend, il convient d’examiner la législation nationale et/ou la pratique de l’état-membre dans lequel le travailleur est mis à disposition;
aux conditions de la mise à disposition de travailleurs, y conclus les intérimaires;
à la santé, sécurité et hygiène au travail;
à des mesures protectrices en matière de conditions et circonstances de travail pour les femmes enceintes ou venant d’accoucher, les enfants et les jeunes;
à un traitement similaire des hommes et des femmes, ainsi que d’autres dispositions relatives à la non-discrimination.
Nous constatons également que la loi sur le détachement de 2020, précise que les suppléments ou les indemnités relatives aux dépenses pour les frais de séjour, repas, voyage pour les travailleurs qui ne rentrent pas chez eux pour motif professionnel, sont uniquement considérés comme salaire de travail et conditions d’occupation pour autant qu’ils aient trait aux frais encourus pour les travailleurs détachés lorsqu’ils doivent travailler de et vers leur lieu de travail en Belgique (et donc pas vers leur lieu de travail à l’étranger et vers le pays de travail).
Détachements de plus de 12 mois
Après 12 mois, les travailleurs détachés se voient attribuer des droits supplémentaires. A partir de ce moment-là, ils ont effectivement droit à des conditions salariales et de travail qui ne sont pas sanctionnées pénalement sauf pour les règles en matière de conclusion ou de résiliation du contrat de travail et des régimes de pension complémentaire.
Puisque la plupart des dispositions sont sanctionnées pénalement, l’impact sera relativement limité.
Si un autre travailleur détaché effectue la même tâche au même endroit, toutes les périodes prestées des travailleurs détachés concernés sont calculées ensemble pour la durée de l’occupation du travailleur remplaçant.
Suppléments
Les suppléments directement liés au détachement, payés par l’employeur au travailleur détaché, sont considérés comme un élément des conditions salariales pour autant qu’ils ne soient pas payés comme remboursement effectif aux frais liés au détachement, comme frais de voyage et le repas et les frais de séjour.
S’il ne peut pas être établi que les éléments d’un supplément versés par l’employeur en rapport avec un détachement, valent comme indemnités réelles liées aux frais encourus suite au détachement ou en tant qu’éléments faisant partie du salaire, le montant total du supplément susmentionné est considéré comme indemnité de frais.
Le caractère temporaire du détachement
La loi du 11 décembre 2016 définit deux listes non exhaustives d’éléments factuels qui doivent permettre d’identifier s’il s’agit d’un détachement. Un détachement a en effet un caractère temporaire.
La première liste d’éléments de fait se rapporte à la notion de travailleur détaché. Pour déterminer si le travailleur concerné effectue des prestations de travail en Belgique de façon temporaire, tous les éléments de fait relatifs à son travail ou sa situation seront examinés. Ces éléments de fait peuvent notamment comprendre:
les tâches qui sont accomplies en Belgique pour une durée limitée ;
la date à laquelle le détachement commence ;
la situation pour le travailleur occupé en Belgique d’être ainsi détaché dans un pays autre que celui dans lequel ou depuis lequel il accomplit habituellement son travail ;
le fait pour le travailleur ainsi occupé en Belgique de retourner ou d’être censé reprendre son activité dans le pays à partir duquel il a été détaché vers la Belgique après l’achèvement des travaux ou au terme de la prestation de services pour lesquels il a été détaché ;
la nature des activités ;
le voyage, la nourriture et l’hébergement qui sont assurés ou pris en charge par l’employeur détachant le travailleur et, le cas échéant, la manière dont ils sont assurés ou les modalités de leur prise en charge ;
toute période antérieure au cours de laquelle le poste a été occupé par le même ou un autre travailleur détaché.
La deuxième liste d’éléments factuels concerne l’évaluation de l’implantation effective dans le pays d’origine. Ces éléments doivent permettre si l’entreprise exerce des activités substantielles effectives dans le pays d’origine, autres que la gestion interne ou des activités administratives.
Pour déterminer si l’entreprise exerce réellement des activités substantielles, il faut évaluer, de façon globale, tous les éléments de fait qui caractérisent, pendant une longue période, les activités de cette entreprise dans le pays où elle est établie et, si nécessaire, en Belgique. Ces éléments peuvent notamment comprendre :
le lieu où sont implantés le siège statutaire et l’administration centrale de l’entreprise, où elle possède des bureaux, paye des impôts et des cotisations sociales et, le cas échéant, en conformité avec le droit national, est autorisée à exercer son activité ou est affiliée à la chambre de commerce ou à des organismes professionnels ;
le lieu de recrutement des travailleurs détachés et le lieu d’où ils sont détachés ;
le droit applicable aux contrats conclus par l’entreprise avec ses salariés, d’une part, et avec ses clients, d’autre part ;
le lieu où l’entreprise exerce l’essentiel de son activité commerciale et où elle emploie du personnel administratif ;
le nombre de contrats exécutés et/ou le montant du chiffre d’affaires réalisé dans le pays d’établissement, en tenant compte de la situation particulière que connaissent, entre autres, les entreprises nouvellement constituées et les petites et moyennes entreprises.
Déclaration Limosa
Un employeur étranger effectuant une mission temporaire en Belgique doit établir une déclaration Limosa. Le donneur d’ordre belge/l’entreprise d’accueil contrôlera que la déclaration a bien été effectuée. Si ce n’est pas le cas, on veillera à en informer les autorités.
La déclaration doit être établie pour les travailleurs travaillant temporairement en Belgique et qui ne sont pas soumis à l’ONSS belge et pour les indépendants exerçant des activités temporaires en Belgique sans être localisés ici, dans des secteurs à risques comme les secteurs de la construction, de la viande et du nettoyage, quelque soit leur système de sécurité sociale.
Certaines activités sont exemptées de déclaration. Cela concerne entre autres les travailleurs du transport international, l’assemblage initial et/ou la première installation d’un bien pour des tâches de maximum 8 jours, des réparations ou des entretiens urgents pour maximum 5 jours par mois, des chauffeurs indépendants et des mandataires pour 5 jours par mois maximum, …
Préalablement à l’occupation des travailleurs détachés en Belgique, l’employeur doit introduire les données suivantes dans la déclaration Limosa:
les données d ‘identification du travailleur;
les données d ‘identification de l’employeur et de son mandataire;
les données d’identification de l’utilisateur belge;
la date de début et de fin du détachement prévues en Belgique;
la nature des services prestés dans le cadre du détachement en Belgique;
en cas de travail intérimaire, le numéro d’agrément du bureau d’intérim étranger, et lorsque cet agrément expire;
lorsque la relation de travail concerne les entreprises ressortissant à la commission paritaire n°124 pour la construction, la mention de l’ouvrier, pour la période d’occupation en Belgique en application des régimes auxquels son employeur est soumis dans le pays d’établissement, qu’il bénéficie d’avantages ou non similaires à ceux mentionnés dans la convention collective du 12 septembre 2013 conclue à la commission paritaire pour le secteur de la construction;
le lieu en Belgique où sont fournies les prestations;
l’horaire de travail;
les données d’identification et de contact de la personne de contact dont :
son nom, prénom et date de naissance;
la qualité par laquelle cette personne de contact est présentée;
ses adresses physiques et électroniques ainsi qu’un numéro de téléphone par lequel elle peut être contactée.
Veuillez noter que des inscriptions spécifiques sont prévues pour des activités dans les secteurs du transport, du traitement de la viande et du nettoyage. Pour le secteur du transport par route, c’est la déclaration sur la plate-forme IMI qui est en vigueur.
La conservation des documents sociaux
Les employeurs qui ont effectué une déclaration Limosa ou qui en sont dispensés ne doivent plus pendant 12 mois:
établir de règlement de travail;
tenir de registre du personnel ;
tenir un registre de présence;
établir des conventions d’immersion professionnelle, des conventions d’occupation d’ouvriers de maison, ni d’établir ni de conserver des contrats d’étudiant;
tenir de compte individuel et de décompte salarial, pour autant que l’employeur tienne à disposition des documents similaires du pays d’origine à disposition de l’inspection.
La désignation d’une personne de liaison
La personne de liaison est la personne physique désignée par l’employeur qui peut être contactée par l’Inspection du travail belge pour fournir ou recevoir, pour le compte de cet employeur, tout document ou avis relatif à l’occupation de travailleurs détachés en Belgique.
Elle peut être l'employeur en personne, si l’employeur est une personne physique, un travailleur de l'entreprise ou une personne physique qui est un tiers par rapport à l'entreprise. Aucune obligation de domiciliation en Belgique n’est exigée; elle peut donc être domiciliée dans le pays d’accueil du détachement.
La personne de liaison opère pour le compte de l’employeur détaché. L’employeur est celui qui reste responsable juridiquement pour la gestion des documents relatifs aux travailleurs détachés en Belgique et qui sont demandés par l’inspection.
Sécurité sociale
En matière de sécurité sociale, on entend par détachement, la situation dans laquelle un travailleur effectuant habituellement des prestations sur le territoire d’un certain pays, où il est embauché dans ce pays, et qui effectue des prestations de travail temporairement dans un autre pays.
Le travailleur qui effectue des tâches en tant que salarié dans un état-membre pour le compte d’un employeur qui y exerce ses activités habituellement, et qui est détaché par cet employeur dans un autre état-membre pour effectuer des tâches pour lui, reste soumis à la législation du pays d’origine, à condition que la durée prévue de cette mission ne dépasse pas 24 mois et que l’intéressé ne soit pas envoyé pour remplacer un autre travailleur.
Les éléments essentiels sont:
§ L’employeur déploie des activités économiquement importantes dans le pays d’accueil;
Les critères suivants sont examinés:
o Le lieu où l’employeur a son siège social et le bureau central;
o Le nombre de membres du personnel administratif actif dans le pays d’établissement et respectivement dans l’autre état membre;
o le lieu où les travailleurs détachés sont embauchés;
o le lieu où la plupart des contrats conclus avec les clients sont conservés;
o la législation applicable indiquée sur les contrats de l’entreprise avec ses travailleurs d’une part, et sur les contrats avec ses clients d’autre part;
o le montant du chiffre d’affaires réalisé dans le pays d’établissement, durant une période suffisamment représentative
o le nombre de contrats exécutés dans le pays d’origine.
Cette liste n’est pas exhaustive et le choix des critères doit être adapté à chaque cas particulier, en tenant compte de la valeur réelle des activités de l’entreprise dans son pays de localisation.
§ Le travailleur est temporairement envoyé dans un autre pays afin d’y effectuer des tâches professionnelles. La durée prévue de l’occupation dans l’autre pays ne dépassera pas 24 mois.
§ Le travailleur garde le lien de subordination avec son employeur durant toute l’occupation. Un lien organique doit être maintenu entre le travailleur et l’entreprise qui le détache. Le travailleur doit effectuer une tâche bien définie.
§ Le travailleur était assuré socialement préalablement au moment de la demande, dans le pays d’origine. Sous réserve d’examen d’une situation individuelle, un assujettissement d’au moins un mois est requis pour les salariés.
§ Le travailleur n’a pas été envoyé pour remplacer un autre travailleur. Il ne peut s’agir de détachement en cascade.
L’objectif de ces dispositions est d’éviter que le travailleur soit soumis temporairement à une autre législation qu’à celle à laquelle il est habituellement soumis. C’est une manière d’essayer de promouvoir la libre circulation, de limiter les tracasseries administratives et d’offrir la sécurité juridique.
Formalités
Si un travailleur se rend dans un autre pays que celui dans lequel la sécurité sociale est payée, alors il convient de demander l’Attestation A1 concernant la législation de sécurité sociale. Ce document doit également être demandé en cas d’occupation simultanée. Le document A1 remplace l’ancien document “E101”.
Le document atteste à quel régime de sécurité sociale un travailleur est soumis.
Ce document doit être demandé indépendamment du volume ou de la durée du travail dans un autre pays membre de l’UE.
Des sanctions éventuelles pour ne pas avoir fourni de formulaire A1 est défini par les législations nationales.
Pour les travailleurs soumis à la sécurité sociale belge, la demande doit être faite via GOTOT (application du site internet de l’ONSS) pour demander les documents requis pour les détachements des travailleurs.
L’obligation de demander un document A1 ne doit pas être confondue avec la déclaration Limosa, qui concerne les aspects juridiques du droit du travail. La déclaration Limosa doit être effectuée par une société étrangère qui détache des travailleurs en Belgique. La déclaration a pour objectif de faire l’inventaire de qui est actif sur le territoire belge. L’employeur qui a effectué la déclaration peut être dispensé de l’établissement et de la conservation de certains documents sociaux.
Fiscalité
Des traités ont été signés entre les différents états spécifiant dans quels pays les revenus doivent être imposés dans un “contexte international”. Il faut donc toujours vérifier quel traité est applicable afin d’éviter la double imposition. Ces traités évitent d’une part de payer le double d’impôts, mais d’autre part, évite aussi que les impôts ne soient payés nulle part.
Puisque ces traités sont le plus souvent basés sur le modèle de l’OCDE, la même disposition revient souvent.
Le principe est que les impôts doivent être payés dans le pays dans lequel on travaille.
Dans certains cas, le salaire n’est pas imposable dans le pays dans lequel on travaille de manière temporaire mais dans le “pays d’origine”. Il s’agit de la règle 183. Il faut pour ce faire, respecter les conditions suivantes:
Le travailleur ne séjourne pas plus de 183 jours au total dans les 12 mois pour son travail, dans le pays de travail. La période de 12 mois ne doit pas tomber dans la même année civile. Le nombre maximal de jours ne doit pas être successif.
Le travailleur détaché ne travaille pas dans le pays de travail pour une institution fixe de l’employeur d’origine;
Le salaire n’est pas à charge d’une institution fixe de l’employeur dans le pays d’accueil.
Certains traités, pas tous néanmoins, contiennent des dispositions spéciales pour les personnes actives dans le transport international.