Retenues sur salaire

L’exécution des retenues sur salaire, même après l’accord de votre travailleur est toujours une question controversée. La question qui est posée est de savoir comment et dans quelle mesure vous pouvez effectuer ces retenues.  Par exemple, pouvez-vous simplement déduire du salaire une amende du travailleur? Nous reprenons pour vous ces principes juridiques dans ce contexte.

La loi sur la protection de la rémunération

La loi sur la protection de la rémunération a pour objectif de protéger le paiement du salaire et de garantir la libre disposition du salaire dû au travailleur. Le législateur souhaite de cette manière protéger le travailleur contre les abus lors du paiement du salaire. 

Il est interdit à l'employeur de restreindre, de quelque manière que ce soit, la liberté du travailleur de disposer de sa rémunération à son gré.[1] Le travailleur a droit au paiement par l'employeur de la rémunération qui lui est due. Ce droit au paiement de la rémunération porte sur la rémunération, avant imputation des retenues autorisées.[2]

Qu’est-ce que la rémunération?

La première question qui doit être posé est de savoir ce qui tombe sous la notion de rémunération. Il n’existe pas de définition générale de cette notion en droit du travail. Toutefois, une description de la notion de rémunération existe dans la loi sur la protection de la rémunération.

L’article 2 de la loi sur la protection de la rémunération définit la rémunération comme:

1.    Le salaire en espèces auquel le travailleur a droit à charge de l'employeur en raison de son engagement;

2.    Le pourboire ou service auquel le travailleur a droit en raison de son engagement ou en vertu de l'usage;

3.    Les avantages évaluables en argent auxquels le travailleur a droit à charge de l'employeur en raison de son engagement.

Qu’est-ce qui est exclu de la notion de rémunération?

La réponse à cette question est tout aussi importante que la question; qu’est-ce qui ne peut pas être considéré comme salaire:

1)    Les indemnités payées directement ou indirectement par l'employeur :

a.     comme pécule de vacances;

b.     qui doivent être considérées comme un complément aux indemnités dues par suite d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle;

c.     qui doivent être considérées comme un complément aux avantages accordés pour les diverses branches de la sécurité sociale;

2)    Les paiements en espèces ou en actions ou parts aux travailleurs, conformément à l'application de la loi relative à la participation des travailleurs au capital des sociétés et à l'établissement d'une prime bénéficiaire pour les travailleurs.

Sur les indemnités exclues de la notion de rémunération comme stipulé dans la loi sur la protection de la rémunération, les dispositions protectrices de cette législation ne sont pas en vigueur. Cela implique donc que sans limitation, avec un accord entre les parties, des retenues sur le pécule de vacances et sur les autres indemnités susmentionnées, peuvent être effectuées.

Retenues sur salaire

Quelles retenues peuvent être effectuées sur le salaire?

L'article 23 de la loi sur la protection des salaires définit les cas stricts dans lesquels des éléments peuvent être déduits du salaire des travailleurs.

Il s'agit plus précisément des cas suivants.

1)   Les retenues en vertu de la loi sur les impôts, de la loi sur la sécurité sociale et en vertu de conventions collectives particulières concernant des avantages complémentaires en matière de sécurité sociale;

Cela concerne logiquement la retenue des cotisations de sécurité social des travailleurs (et pas la cotisation patronale).

Puisque l’article 23 de la loi sur la protection de la rémunération donne une énumération limitative des retenues qui peuvent être appliquées, les retenues pour un avantage complémentaire de sécurité sociale ne peuvent pas être effectuées si celles-ci ne sont pas prévues par une convention collective ou concernant les avantages en matière de sécurité sociale.

2)   Les amendes infligées en vertu du règlement de travail ;

Cela ne concerne pas les amendes de circulation mais les amendes infligées en tant que sanction.

Le règlement de travail doit impérativement mentionner les sanctions y afférentes, le montant et le destinataire des amendes ainsi que les manquements qu’elles sanctionnent. Seules les sanctions mentionnées dans le règlement de travail peuvent être infligées. Le règlement de travail peut pour ce faire, prévoir une liste exhaustive des sanctions disciplinaires pouvant être infligées lors de certains manquements.

Les sanctions doivent, sous peine de nullité, être communiquées au plus tard le premier jour de travail après le constat du manquement par l’employeur ou par son mandataire, à celui ou celle qui l’a commis. Avant la date du paiement du premier paiement du salaire suivant, l’employeur doit indiquer la sanction dans un registre dans lequel sont mentionnés les noms des travailleurs concernés, la date, la raison ainsi que la nature de la sanction et si cela concerne une amende, le montant de celle-ci. Le registre devra être présenté chaque fois que les fonctionnaires compétents le demandent.

Si la sanction comprend une amende, le total de l’amende infligée par jour ne peut pas dépasser un cinquième du salaire journalier. La recette des amendes doit être utilisée en faveur des travailleurs. La finalité de la recette des amendes doit être déterminée en concertation avec le conseil d’entreprise, pour autant qu’il en existe un dans l’entreprise.

3)   Les indemnités et les dommages et intérêts dus en exécution de l’article 18 de la loi du 3 juillet 1978 concernant les contrats de travail;

L’article 18 de la loi sur les contrats de travail stipule que “En cas de dommages causés par le travailleur à l'employeur ou à des tiers dans l'exécution de son contrat, le travailleur ne répond que de son dol et de sa faute lourde.

Il ne répond de sa faute légère que si celle-ci présente dans son chef un caractère habituel plutôt qu'accidentel.

A peine de nullité, il ne peut être dérogé à la responsabilité fixée aux alinéas 1er et 2 que par une convention collective de travail rendue obligatoire par le Roi, et ce uniquement en ce qui concerne la responsabilité à l'égard de l'employeur.

 L'employeur peut, dans les conditions prévues par l'article 23 de la loi du 12 avril 1965 concernant la protection de la rémunération des travailleurs, imputer sur la rémunération les indemnités et dommages-intérêts qui lui sont dus en vertu du présent article et qui ont été, après les faits, convenus avec le travailleur ou fixés par le juge“.

Pour que cette compensation puisse avoir lieu, aucune (contre) action ne doit avoir été introduite. Il est toutefois requis que la compensation de dettes soit expirée et exigible, et ce afin d’arriver à une compensation légale de dettes.

En l’espèce, il doit y avoir un accord explicite ou implicite que le travailleur est redevable de dommages et intérêts  à l’employeur. Il doit en outre exister un contrat précisant le montant des dommages et intérêts dus. De plus, le contrat doit être conclu en rapport avec le montant des indemnités des dommages et intérêts. Le contrat doit également être conclu ultérieurement aux faits ayant occasionnés des dégâts.

Une clause dans un contrat de travail individuel en vertu de laquelle l’employeur pourrait procéder à certaines retenues (ex. Manques à gagner, amendes, … ), est nulle.

Cela concerne uniquement des indemnités et des dommages et intérêts pour la responsabilité du travailleur pour des dommages causés durant l’exécution de son contrat de travail.

4)   Les avances en espèces octroyées par l’employeur;

Cela concerne les avances octroyées sur une rémunération non encore gagnée. Cela concerne par exemple un prêt conclu entre l’employeur et le travailleur.

L’employeur ne peut toutefois pas retenir unilatéralement un montant qui a été indûment payé sur un salaire à payer ultérieurement.

5)   La cautionnement visant à garantir l’exécution des obligations du travailleur;

6)   La rémunération payée en trop au travailleur occupé en application d'un horaire flottant

Qui n'a pas récupéré à temps les heures prestées en moins par rapport à la durée hebdomadaire moyenne de travail à la fin de la période de référence ou lorsque le contrat de travail prend fin.

Quelles retenues ne peuvent pas être effectuées sur le salaire?[3]

  • Le remboursement par l’employeur d’un montant indu au moyen d’une compensation sur le salaire 

  • Des retenues sur salaire à cause d’un défaut de prestations;

  • La retenue du coût du versement lors du paiement du salaire par mandat postal et surtout pas s’il en ressort que l’employeur n’a pas invité le travailleur à venir chercher son salaire [4];

  •  Une retenue sur salaire servant à financer le pécule de vacances.

En principe, il convient donc dans ce cas que l'employeur demande le remboursement des sommes par le travailleur.

Selon les dispositions de la loi sur la protection de la rémunération, il est interdit à l’employeur d’effectuer unilatéralement des retenues sur salaire autres que les sommes prévues par la loi.

Il va de soi qu’il incombe à l’employeur et au travailleur de décider de compenser en concertation, leurs dettes respectives. La jurisprudence accepte que les parties s ‘accordent afin de compenser le salaire avec l’obligation de remboursement par le travailleur, à condition que l’accord soit conclu après que le salaire soit devenu exigible.

Les limites des retenues

Les retenues sociales et fiscales[5] sont calculées sur le salaire total du travailleur. Le total des autres retenues (amendes, indemnités et dommages et intérêts, avances et garanties) ne peut pas dépasser 1/5 du salaire à payer en espèces après prélèvement sur la base des retenues sociales et fiscales.

Cette limitation n’est toutefois pas d’application lorsque le travailleur a fraudé ou avant le décompte des indemnités et des dommages et intérêts en question, (donc conformément à la responsabilité cfr. article 18de la loi sur les contrats de travail), et qu’il a délibérément mis fin à sa relation professionnelle.

Droit contraignant

Les dispositions de la loi sur la protection de la rémunération est contraignante mais pas d’ordre public. Comme déjà précisé plus haut, cela n’empêche pas de signer un contrat dans lequel les parties conviennent de compenser leurs dettes respectives. Pour ce faire, il a été convenu de compenser le salaire avec une obligation de remboursement du travailleur. Le contrat doit être conclu après que le salaire soit devenu exigible.

Compensation

Si deux personnes ont des dettes mutuelles exigibles, alors celles-ci sont apurées moyennant une compensation minime. Le risque restant concerne uniquement le montant restant. C’est une sorte de compensation en lieu et place de la dette. 

Le mécanisme de la compensation de dettes est prévu dans les articles de 1289 à 1299 inclus du Code civil.  Pour la compensation de dettes légale, il convient de remplir cinq conditions:

  •  L’existence de dettes mutuelles, entre les mêmes personnes agissant en qualité identique et ces dettes sont remplaçables, fixes et exigibles.

Il n’est pas possible d’appliquer le mécanisme de la compensation de dettes pour des compensations futures ou inexistantes. L’importance de la compensation doit rester fixe. En cas de divergence concernant la compensation de dettes en elle-même ou sur le montant, alors aucune compensation ne peut être effectuée. 

En outre, il est également possible d’effectuer une compensation judiciaire lorsque le jugement rend fixe une dette qui était contestée. Cette compensation de dettes est traitée au moment de la décision elle-même.

Mode opératoire

Il n’est pas évident de faire une distinction sur le lieu de travail selon les différentes situations sous-jacentes. Le retenue peut-elle être effectuée ou est-ce interdit? Faut-il tenir compte de la limite de 1/5 du salaire?

Pour cette raison, il est préférable, si le travailleur a des fonds chez vous en tant qu’employeur, de toujours régler la compensation de dettes par la voie juridique. 

Pour ce faire, il convient de calculer le salaire du travailleur sans tenir compte d’une compensation éventuelle qui surviendrait ultérieurement. Le salaire du travailleur doit en effet être fixe et exigible.

Pour l’une ou l’autre raison (ex. Amende de circulation, situation où la responsabilité du travailleur est engagée, …) le travailleur a une dette auprès de l’employeur.

Les parties décident de compenser leur dettes respectives au moyen de la compensation de dettes.

En tant qu’employeur, vous payé le solde encore dû en salaire, après compensation de la dette du travailleur, au moyen d’un virement.  

[1] Article 3 de la Loi sur la protection de la rémunération

[2] Article 3 bis de la Loi sur la protection de la rémunération

[3] Compendium social, droit du travail contenant des annotations fiscales, W. van Eeckhoutte.

[4]Veuillez noter qu’entre-temps les paiements en cash ne sont principes plus autorisés.

[5] De la loi sur les impôts, de la loi sur la sécurité sociale et des conventions collectives de travail particulières concernant des avantages complémentaires concernant la sécurité sociale.

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